Carbone

L’Accord de Paris engage les gouvernements à essayer de maintenir le réchauffement climatique en deçà de 1,5°C à l’horizon de 2050, faute de quoi nous déclencherons des catastrophes climatiques irréversibles et les conséquences de la crise climatique s’aggraveront pour les populations (réchauffement, aléas climatiques violents, catastrophes naturelles…). Mais cela sera impossible à réaliser sans une élimination rapide de la combustion des combustibles fossiles et sans l’élimination d’une plus grande quantité de CO2 de l’atmosphère. Il n’existe qu’un seul moyen éprouvé d’éliminer le CO2 de l’atmosphère : permettre aux écosystèmes naturels – y compris les sols sains – de s’épanouir et de se régénérer. La forêt étant, avec les océans, le seul écosystème capable de stocker du CO2 en grande quantité, il faut impérativement protéger sa capacité à capter du CO2 et éviter à tout prix de la surexploiter. Les coupes rases, qui défrichent entièrement les parcelles, sont en particulier à proscrire. Elles détruisent encore plus de végétaux capables de capter du CO2, elles tassent le sol forestier, ce qui compromet sa fonction de séquestration. Face au réchauffement climatique, l’Académie des sciences recommande donc des prélèvements minimaux en sylviculture douce à couvert continu. « Hors sinistres et dépérissement, il apparaît indispensable d’éviter les coupes rases autant que possible, en raison de leurs impacts écologiques, paysagers et climatiques trop importants. » 1

Une utilisation excessive de la biomasse forestière, loin d’être à bas carbone, est en réalité à très haut carbone ajouté dans l’atmosphère, du fait d’une diminution du puits de carbone. Moins le CO2 est séquestré par les plantes (actuellement 30 % de tout le CO2 émis par l’homme), plus il s’accumulera dans l’atmosphère. Pour une entreprise forestière, une récolte annuelle qui ne dépasse pas en volume l’équivalent de la croissance annuelle des arbres apparaît comme « durable ». Mais pour le climat, cela signifie que les arbres abattus ne séquestreront plus du tout de CO2. Si les forêts sont remplacées par des plantations de nouveaux arbres, ces derniers mettront 80/100/150 ans à reconstituer leur stock de carbone.

De plus, le retournement de tendance de la croissance biologique des arbres, l’explosion de la mortalité, et l’augmentation des prélèvements de bois, sont à l’origine de la chute de 50 % du puits de carbone, constatée à ce jour. Et ce n’est qu’un début. L’usage des biocarburants, comme des fertilisants carbonés, accélère l’arrivée d’un puits de carbone négatif pour les forêts françaises. Bientôt elles ne seront plus en capacité de stocker le CO2 en excédant dans l’atmosphère. Elles seront, au contraire, émettrices nette de carbone. Donc, au lieu de participer à la lutte contre le réchauffement climatique, les nouvelles activités industrielles utilisant la biomasse forestière y contribueront. Tout cela remet en cause la comptabilité carbone à l’échelle de la France, selon laquelle la diminution du puits de carbone consécutive à une récolte forestière est considérée comme automatiquement compensée par une absorption, comptabilité que le projet E-CHO a évidemment adoptée et qui n’a aucun sens physique. La régénération forestière permettant l’absorption n’est pas instantanée.

Selon la Sepanso 64, la diminution du puits de carbone consécutive aux récoltes prévues par E-CHO est considérable. Pour mesurer le coût carbone réel d’une récolte, on doit comparer la situation après une récolte à la situation qui aurait prévalu en l’absence de récolte. La différence entre les stocks de carbone du système forêt dans les deux situations sur une période de temps donnée, en tenant compte de la croissance de nouvelle matière ligneuse, constitue le coût carbone d’une récolte sur cette durée. Dans le cas du projet E-CHO, on peut estimer l’ordre de grandeur du coût carbone consécutif à une récolte annuelle de 300 000 t de bois sec de 2030 à 2050 ainsi que le coût carbone total associé aux récoltes annuelles successives de 2030 à 2050 (2030 année vraisemblable de mise en service à plein régime de la production de kérosène). On obtient ainsi une valeur annuelle moyenne de coût carbone dans la fourchette 300 000 t à 700 000 t de CO2 selon que la coupe est suivie ou non d’un travail du sol. Cette quantité de carbone sera réémise dans l’atmosphère pendant le processus de production du kérosène et son utilisation dans le transport aérien. En d’autres termes utiliser 300 000 t de matière ligneuse sèche annuellement pour produire 75 000 t de kérosène de 2030 à 2050 va contribuer au réchauffement climatique à hauteur en moyenne de 10 millions de t de CO2 sur cette période de temps.

  1. De plus, lorsqu’on abat, comme le ferait E-CHO et BIOCHAR, des milliers d’hectares d’arbres année après année, on perd aussi les nombreux autres services que rend la forêt:
limitation de la sécheresse; réduction de l’érosion des sols ; effet éponge limitant les inondations et ffet bénéfique sur les températures, comme le montre une récente étude aux États-Unis. ↩︎

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